BOCHIMANS

BOCHIMANS
BOCHIMANS

Les Bochimans, peuple d’Afrique australe en voie d’extinction, n’ont adopté ni l’agriculture, ni l’élevage; ils vivent de chasse, de cueillette et de ramassage comme avant le Néolithique; ils sont les derniers en Afrique, avec les Pygmées, à représenter la civilisation de l’arc. Pour cette raison, ils disparaissent en tant que groupe, sous la pression des hommes aux techniques plus avancées qui les entourent.

1. Représentants et caractéristiques

Pour les Bochimans, la fuite étant la défense la plus sûre, il est difficile de les dénombrer. Schapera, le spécialiste sud-africain, estimait en 1930 leur nombre à 7 500. Mais Tobias démontra en 1955 qu’ils étaient plus de 55 000, répartis entre le Botswana et le Sud-Ouest africain (Namibie); de plus, il en restait alors environ 4 000 en Angola, 200 en Zambie, 20 seulement en république d’Afrique du Sud. La plupart d’entre eux vivent dans le désert du Kalahari, plateau aride où l’altitude de 1 000 mètres environ est insuffisante pour écarter la malaria, et où, en hiver, il gèle toutes les nuits.

Cette estimation d’une population résiduelle d’environ 60 000 individus confirme un fait, connu par les témoignages historiques et par la préhistoire: les Bochimans étaient répandus jadis dans tout le sud de l’Afrique, en très grand nombre, spécialement dans les régions giboyeuses et bien irriguées où ils trouvaient sans trop de peine leur subsistance. Ce n’est pas dans le désert que s’est formé leur type physique.

À cause de leurs pommettes saillantes, leurs yeux bridés, leur coloration jaune-brun, les premiers voyageurs européens ont cru voir en eux des Jaunes. Dart estime que ces traits physiques sont le résultat d’une influence génétique réelle: il fonde son argumentation sur le fait que des Asiatiques ont atteint la côte orientale africaine au cours du Ier millénaire de notre ère. Mais on a trouvé des squelettes plus anciens qui étaient déjà de type bochiman. Il est donc certain que leur morphologie s’est formée en Afrique avant l’arrivée des Orientaux. Pour expliquer leur ressemblance fortuite, Tobias suggère que Jaunes et Bochimans ont subi, de façon indépendante et parallèle, un processus nommé «infantilisation» (persistance chez les adultes de caractères enfantins, résultat de la croissance retardée de certaines parties du corps). Cette théorie reste à prouver par des études de croissance comparée de ces populations. Elle séduit toutefois par son accord avec les traits fins des Bochimans, leur pilosité corporelle et faciale presque nulle, leur petite taille moyenne (environ 1,57 m pour les hommes et 1,48 m pour les femmes, chez les Bochimans du Nord et du Centre).

Deux autres caractères ont frappé les anatomistes, depuis Topinard à la fin du XIXe siècle: la stéatopygie et la macronymphie, qui se rencontrent aussi chez les Hottentots. La première consiste en une accumulation de graisse sur les fesses, chez des personnes qui ne sont pas obèses. Elle affecte parfois les hommes et, plus souvent, les femmes, à partir de la puberté. Tobias a fait remarquer qu’il existe un fondement postural à ce caractère: une forte courbure du bas du dos qui se manifeste dès l’enfance.

La macronymphie, ou élongation des labia minora , est appelée aussi «tablier hottentot». Synthétisant les publications au sujet de ce caractère chez les Africaines, Lagercrantz avait pensé que cette anomalie était due à des manipulations.

2. La langue et l’appartenance

Les Bochimans furent repoussés des bonnes terres par les agriculteurs bantous venus du Nord, les éleveurs hottentots du Sud et de l’Ouest, et enfin les fermiers européens. Les tribus méridionales furent presque complètement exterminées. Il ne leur fut laissé que des déserts et des savanes qui peuvent nourrir du gibier, mais non des troupeaux. Aujourd’hui, ils ont le choix entre la vie de récolteur, libre mais épuisante, dans le «veld», ou celle de travailleur agricole, mal payé, chez les fermiers bantous ou blancs. Certains d’entre eux perdent leur identité tribale en épousant les filles de leur employeur. D’où la difficulté de définir, dans ces populations marginales, qui est vraiment bochiman. Deux critères sont généralement retenus: est bochiman celui qui est reconnu comme tel par ses voisins, quel que soit son mode de vie, et dont la langue maternelle est l’un des nombreux dialectes bochimans, qui forment avec le hottentot une famille linguistique se définissant principalement par les «clics» ou consonnes injectives (claquements de langue), qui ne se retrouvent que dans ces idiomes.

3. Organisation sociale

Il n’y a pas, chez les Bochimans, de pouvoir politique tribal ou intertribal. Un groupe ne se distingue des autres que par son dialecte. Les principaux sont: au nord, les Kung, Heikum, Auen; au centre, les Naron, Hukwe, Galikwe, Heichware; au sud, vivaient les communautés Xam-ka et les Nke, toutes deux éteintes.

Chaque groupe se compose de bandes de 20 à 60 personnes, ayant entre elles des liens familiaux. La bande est toujours formée de plusieurs noyaux familiaux: les parents, les fils mariés et leurs enfants, les filles avec leur époux au début du mariage, car tout jeune marié doit chasser quelque temps pour ses beaux-parents, dans ces sociétés où il n’y a ni richesse, ni dot par conséquent; une veuve peut soit vivre avec une de ses filles dans la bande de son gendre, soit rester avec ses fils, soit retourner chez ses frères. La bande possède le droit de cueillette et de chasse sur un territoire. Le seul pouvoir reconnu est celui du chef de bande, en principe l’aîné, et souvent en fait le meilleur chasseur; son rôle principal est de décider des migrations, d’utiliser les ressources avec économie selon les saisons, de tirer parti de la proximité de l’eau, des mouvements du gibier. Tout objet, et plus spécialement les plantes sauvages comestibles, appartient à celui qui, le premier, l’a trouvé et signalé. Si un membre d’une autre bande se l’approprie, il commet un vol que l’homme lésé est en droit de punir. Le voleur est identifié facilement car les traces de pas sont reconnues, autant que les physionomies. D’où les vendettas entre bandes, aggravées par l’absence d’autorité politique ou judiciaire.

La polygamie est appréciée mais peu pratiquée, car, l’accumulation de biens n’existant pas, aucun homme n’a plus de puissance matérielle qu’un autre et ne peut donc acquérir plus de femmes. Sur quatre-vingt-huit Kung mariés, nous dit Lorna Marshall, neuf hommes seulement avaient deux femmes.

La subsistance du groupe est assurée par les hommes et les femmes: les hommes chassent, et ne récoltent qu’occasionnellement. Le gibier le plus recherché est la grande antilope, parfois le buffle ou la girafe. Les flèches en os, ou en fer, sont trop fragiles pour tuer sans poison; la mort n’est donc pas instantanée et l’animal blessé est poursuivi, souvent pendant des journées et des nuits où il faut le disputer aux lions et aux hyènes. La viande est partagée entre tous les membres de la bande, selon des règles compliquées et scrupuleusement appliquées. Le repas de viande n’est pas communautaire, chacun préparant et mangeant sa part comme bon lui semble, afin que personne ne puisse être accusé de gloutonnerie. Une bande Kung abat en moyenne de quinze à dix-huit grands animaux par an, soit environ un cinquième de la nourriture.

La plus grande part de celle-ci est donc récoltée par les femmes. Les plantes comestibles (veldkos dans le dialecte d’origine hollandaise des immigrés européens) sont nombreuses: baies sèches; fruits et feuilles pendant une courte saison; concombres et surtout melons tsama (Citrullus vulgaris ) qui permettent de vivre quelque temps sans avoir accès à l’eau; plantes adaptées à la sécheresse dont les racines et tubercules conservent l’humidité; noix de l’arbre mangetti (Ricinodendron Rautanenii Schinz), et semences d’une vigne (Bauhinia esculenta Burch), toutes deux riches en graisse et protéines. Les femmes s’aident d’un bâton à fouir pour récolter les racines. Parfois le bâton est renforcé d’un anneau de pierre semblable aux kwés préhistoriques trouvés un peu partout en Afrique. Les femmes parcourent jusqu’à quarante-cinq kilomètres en un jour de récolte et, outre les aliments, elles ramassent les bûches pour le feu du soir qui leur servira à préparer le repas familial. Bien qu’elles fournissent la plus grande part de la nourriture, les femmes sont soumises aux hommes, dont le prestige est fondé sur la chasse, difficile et dangereuse, qui procure la viande, aliment préféré. Un seul chasseur est capable d’entretenir une dizaine de personnes.

La vie errante des Bochimans impose des limites à leur culture matérielle. Les hommes préparent, pour leur famille, des vêtements de peau dont le principal est la cape, appelée kaross , ainsi que des sacs de peau, cousus avec des nerfs; ils fabriquent leurs arcs, les flèches à pointe d’os, les allume-feu et des bols en bois. Le poison des flèches est fabriqué au moyen de plantes, de venin de serpent, de larves du coléoptère Cladocera . Les outils de fer sont obtenus par échange, avec les paysans bantous, de peaux, plumes d’autruche, miel sauvage et cire. Le tabac, qui calme la faim et la soif, provient aussi du troc. À part les meules, les Bochimans ne se souviennent pas d’avoir fabriqué des armes et des outils de pierre. Les femmes pilent des poudres odorantes, confectionnent des colliers en écaille d’œuf d’autruche; ce sont elles qui construisent la hutte de branchage lorsque le camp est établi pour un certain temps; sinon, un simple désherbage et le foyer suffiront à indiquer la demeure de chaque noyau familial.

4. Croyances et manifestations artistiques

Les enfants sont choyés, mais les familles nombreuses sont rares, car les femmes n’acceptent pas d’avoir un second enfant avant que le premier ne puisse suivre sa mère à la marche pendant les longs déplacements qui caractérisent la vie bochimane. Deux enfants à porter rendraient la récolte impossible. Comme les femmes ne connaissent pas de moyen anticonceptionnel, elles se résignent à l’infanticide, de leur propre autorité; elles accouchent d’ailleurs toutes seules dans le veld.

À la puberté, les filles sont confinées dans une petite hutte, et une danse de toute la bande marque l’événement. Pour les garçons, les rites de passage sont plus complexes, car nul n’est adulte, s’il n’est chasseur: il leur faut donc avoir tué un gros animal, dont un peu de chair sera insérée dans leur visage au moyen de scarifications.

La religion des Bochimans est difficile à connaître car elle n’a pas de rituel précis; elle a été influencée par celle des Bantous, et les Européens qui l’ont étudiée ont été tentés de l’interpréter en fonction de leur propre monothéisme.

Les Bochimans enterrent leurs morts, avec tous les objets qu’ils possédaient, dans la position où ils dorment, couchés sur le côté et les genoux repliés. Il n’y a pas chez eux de culte organisé des ancêtres; cependant ils croient à la survie de l’âme, le plus souvent dans un paradis d’abondance. En plus de l’âme, il y a le fantôme qui apparaît parfois aux vivants, mais ne peut causer beaucoup de mal.

Les corps célestes, lune, soleil et étoiles, apparaissent dans de nombreux contes mythologiques. Les Bochimans leur adressent des prières afin d’obtenir le succès à la chasse et l’apaisement de la faim. La lune est le plus souvent invoquée.

La mythologie bochimane relate les aventures d’êtres surnaturels, dont le principal est la Mante. Au Lesotho, elle était considérée comme le créateur de toutes choses; des prières lui étaient adressées pour l’acquisition de nourriture par la chasse et la cueillette. L’idée d’un créateur unique semble assez répandue. Les Kung croient en deux dieux, le Grand, créateur et omnipotent, et le Petit qui lui est subordonné; ni l’un ni l’autre ne sont associés à l’idée du Bien ou du Mal: chacun des deux peut apporter des biens, tels que le gibier ou la pluie, mais aussi la maladie et la mort; les morts sont emportés au ciel où ils servent le Grand Dieu.

La seule manifestation religieuse des Bochimans paraît être la danse cérémonielle de guérison. Les Kung croient en un pouvoir magique, institué par le Grand Dieu dans le corps des guérisseurs, et activé par la danse et les chants. À peu près tous les hommes de cette communauté sont guérisseurs; ils ne sont pas possédés par un esprit, mais manifestent leur pouvoir surnaturel au cours des danses: ils entrent en transe, s’approchent des malades, les massent afin de prendre en eux la maladie, et la rejettent au loin en poussant des cris. Le guérisseur en transe est protégé par les autres hommes, qui l’empêchent de se faire du mal. Les femmes chantent et battent des mains. Danses et chants sont rythmés avec une précision et une ferveur telles que ceux qui y participent se sentent unis et plus forts; la peur est oubliée et le pouvoir de résistance au mal est renforcé, arraché à la divinité beaucoup plus qu’imploré.

Aujourd’hui, la musique, la danse et le mime sont les seuls arts des Bochimans. Bien qu’ils aient perdu jusqu’au souvenir de la peinture, de nombreux témoins les ont vus, encore récemment (1870), tracer sur des rochers des fresques polychromes au moyen de minéraux broyés et mélangés à de la graisse animale. Aussi les milliers de gravures et peintures rupestres découvertes en Afrique du Sud leur ont-elles été attribuées, jusqu’au jour où, à cause de leur ressemblance avec les peintures préhistoriques d’Espagne orientale et du Sahara, des préhistoriens accordèrent à certaines d’entre elles une antiquité de plusieurs millénaires. Un problème de datation se pose donc, qui a été débattu avec passion, et qui n’a pu être résolu. La question la plus controversée fut l’âge de la fameuse «Dame Blanche» du Brandberg, dans le Sud-Ouest africain, l’une des centaines de fresques relevées par l’abbé Breuil ; celui-ci la fait remonter non pas à une très haute antiquité comme les plus anciennes, mais à environ 1 000 ans avant notre ère. Le style, que le célèbre préhistorien compare à celui de la Crète ou de l’Égypte, et l’aspect du personnage central, à peau blanche et à nez droit, ne seraient explicables que s’il s’agissait de l’œuvre d’un groupe de Méditerranéens venus là, avec leurs femmes, pour récolter l’or ou l’ivoire. Cette interprétation a été critiquée par d’autres archéologues qui n’accordent à la «Dame Blanche» que quelques centaines d’années, et l’interprètent plutôt comme l’image d’un jeune garçon herero ou hottentot, blanchi au kaolin pour la cérémonie de l’initiation, pratique courante dans cette partie de l’Afrique.

Il est certain que les Bochimans ont représenté, parfois avec maîtrise, des scènes de chasse, de guerre et de la vie domestique, des vols de bétail, des danses et des événements mythologiques. D’où la valeur de ces fresques, témoins de leur passé. Bien qu’aucune datation certaine n’ait pu être faite, il paraît établi que certaines peintures qui ont été trouvées associées avec des squelettes de Bochimans sont contemporaines du dernier âge sud-africain de la pierre. Les Bochimans auraient donc perpétué jusqu’au XIXe siècle un art préhistorique vieux de plusieurs millénaires; des contacts culturels entre ces peintres et ceux de l’Afrique orientale, du Sahara et du Levant espagnol ne sont pas invraisemblables.

Les qualités artistiques des peintures sud-africaines ont été maintes fois reconnues: exactitude de l’observation; maîtrise des ombres, du modelé, du raccourci; mouvement et diversité. Les personnages humains apparaissent comme des silhouettes animées; chez les animaux, la structure musculaire est respectée. Les chasseurs des temps passés et plus heureux avaient assez de loisirs pour exprimer par la peinture leurs joies, leurs craintes, leurs espoirs.

Boschiman(s), Bochiman(s) ou San (en angl. Bushmen)
peuple de l'Afrique australe (auj. moins de 100 000 personnes nomadisant dans le désert du Kalahari, en Namibie et au Botswana), dont la présence sur le continent est quasiment attestée au paléolithique supérieur. Ils parlent le san, une langue de la famille khoisan. L'art boschiman consiste en décoration d'objets (oeufs d'autruche) et en peintures et gravures pariétales qui représentent des hommes et des animaux dans des compositions enchevêtrées. Certaines remonteraient à plusieurs millénaires.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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